vendredi 1 mai 2015

1er Mai


http://www.herodote.net/Images/haymarket.jpg

Retour sur l'histoire du 1er Mai :
 
(Le manifestation à Haymarket)
 
https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi1wFf-g3rndmZEtEQsoaY7WssBnU29jo1sXpG3CPtTr8HhNfFEwpyMubTWLZbnqIN9K-tdOdHz-DCjxfMqrYjrYxydcoK53mRFTaPes0oNrMef_U7-HnSfzjNLpVdwiU6xeNxsypPtGps/s1600/1ermaiGrandjouan.jpg Parmi ceux qui continuent à défiler chaque 1er mai, combien savent qu’ils commémorent la grève sanglante du 3 mai 1886 aux usines McCormick, à Chicago, pour l’instauration de la journée de huit heures, et le meeting de protestation qui s’ensuivit le lendemain à Haymarket au cours duquel une bombe tua huit policiers. Huit anarchistes furent arrêtés, quatre furent pendus, malgré les pétitions et protestations innombrables venues du monde entier, le 11 novembre 1887, avant d’être innocentés et réhabilités publiquement en 1893. Les martyrs de Chicago vont faire du 1er Mai un symbole de la lutte des classes et de l’identité du monde ouvrier à partir du congrès socialiste international de Paris de 1889 : il s’agissait de fonder en actes le projet d’une société émancipée, libérée du travail contraint. Alternant les hauts et les bas au fil des années, ce symbole sera tout de même à l’origine des lois sur le repos hebdomadaire en 1906 et des huit heures en 1919, avant de se banaliser après être devenu en 1947 un jour chômé et rémunéré.
Jean-Jacques Gandini (source : www.monde-diplomatique.fr).
A compléter avec un article du site Hérodote et un du journal l'Humanité.

jeudi 16 avril 2015

Habitus alimentaire

Un nouvel éclairage cette fois consacré à l'habitus alimentaire à travers deux extraits de La Dinstinction (1979), de Pierre Bourdieu :

Extrait n°1 :
Le goût en matière alimentaire dépend aussi de l'idée que chaque classe se fait du corps et des effets de la nourriture sur le corps, c'est- à-dire sur sa force, sa santé et sa beauté, et des catégories qu'elle emploie pour évaluer ces effets, certains d'entre eux pouvant être retenus par une classe qui sont ignorés par une autre, et les différentes classes pouvant établir des hiérarchies très différentes entre les différents effets : c'est ainsi que là où les classes populaires, plus attentives à la force du corps (masculin) qu’à sa forme, tendent à rechercher des produits à la fois bon marché et nourrissants, les professions libérales donneront leur préférence à des produits savoureux, bons pour la santé, légers et ne faisant pas grossir. Culture devenue nature, c'est-à-dire incorporée, classe faite corps, le goût contribue à faire le corps de classe : il choisit et modifie tout ce que le corps ingère, digère, assimile, physiologiquement et psychologiquement. Il s'ensuit que le corps est l'objectivation la plus irrécusable du goût de classe, qu'il manifeste de plusieurs façons. D'abord dans ce qu'il a de plus naturel en apparence, c'est-à-dire dans les dimensions (volume, taille, poids, etc.) et les formes (rondes ou carrées, raides ou souples, droites ou courbes, etc.) de sa conformation visible, où s'exprime de mille façons tout un rapport au corps, c'est- à-dire une manière de traiter le corps, de le soigner, de le nourrir, de l'entretenir, qui est révélatrice des dispositions les plus profondes de l'habitus : c'est en effet au travers des préférences en matière de consommation alimentaire qui peuvent se perpétuer au-delà de leurs conditions sociales de production (comme en d'autres domaines un accent, une démarche, etc.), et aussi bien sûr au travers des usages du corps dans le travail et dans le loisir qui en sont solidaires, que se détermine la distribution entre les classes des propriétés corporelles.

 Extrait n°2:

On pourrait, à propos des classes populaires, parler de franc-manger comme on parle de franc-parler. Le repas est placé sous le signe de l'abondance (qui n'exclut pas les restrictions et les limites) et, surtout, de la liberté : on fait des plats « élastiques », qui « abondent », comme les soupes ou les sauces, les pâtes ou les pommes de terre (presque toujours associées aux légumes) et qui, servies à la louche ou à la cuiller, évitent d'avoir à trop mesurer et compterà l'opposé de tout ce qui se découpe, comme les rôtis. Cette impression d'abondance, qui est de règle dans les occasions extraordinaires et qui vaut, dans les limites du possible, pour les hommes, dont on remplit l'assiette deux fois (privilège qui marque l'accès du garçon au statut d'homme), a souvent pour contrepartie, dans les occasions ordinaires, les restrictions que s'imposent les femmes (en prenant une part pour deux, ou en mangeant les restes de la veille), l'accès des jeunes filles au statut de femme se marquant au fait qu'elles commencent à se priver. Il relève du statut d'homme de manger et de bien manger (et aussi de bien boire). »
Au « franc-manger » populaire, la bourgeoisie oppose le souci de manger dans les formes. Les formes, ce sont d'abord des rythmes, qui impliquent des attentes, des retards, des retenues ; on n'a jamais l'air de se précipiter sur les plats, on attend que le dernier à se servir ait commencé à manger, on se sert et se ressert discrètement. On mange dans l'ordre, et toute coexistence de mets que l'ordre sépare, rôti et poisson, fromage et dessert, est exclue : par exemple, avant de servir le dessert, on enlève tout ce qui reste sur la table, jusqu'à la salière, et on balaie les miettes. Cette manière d'introduire la rigueur de la règle jusque dans le quotidien […] est l'expression d'un habitus d'ordre, de tenue et de retenue qui ne saurait être abdiqué. A travers toutes les formes et tous les formalismes qui se trouvent imposés à l'appétit immédiat, ce qui est exigé – et inculqué -, ce n'est pas seulement une disposition à discipliner la consommation alimentaire par une mise en forme qui est aussi une censure douée, indirecte, invisible (en tout opposée à l'imposition brutale de privations) et qui est partie intégrante d'un art de vivre, le fait de manger dans les formes étant par exemple une manière de rendre hommage aux hôtes et à la maîtresse de maison, dont on respecte les soins et le travail en respectant l'ordonnance rigoureuse du repas. C'est aussi une manière de nier la consommation dans sa signification et sa fonction primaires, essentiellement communes, en faisant du repas une cérémonie sociale, une affirmation de tenue éthique et de raffinement esthétique.
 A compléter avec deux études :
- une du Ministère de l'agriculture d'octobre 2013 : "Les différences sociales en matière d'alimentation", avec des développement sur certains produits : légumes, poissons, féculents, vins
- une de l'INSSE de 2009, plus technique dont voici un extrait :

Et un second (décile 1 : les 10% les plus pauvres, décile 10 : 10% les plus riches) :